Nouveau régime spécial d’imposition pour les expatriés

L’échéance du 31/07/2022 approche

Nicolas Stockmans, Partner BDO Tax

Environ 20.000 cadres et chercheurs bénéficiaient jusque fin de l’année dernière d’un régime spécial d’imposition prévu pour les expatriés. Un nouveau régime est entré en vigueur depuis ce 1er janvier. Il impacte de manière importante la fiscalité des collaborateurs étrangers ainsi que la politique RH de l’employeur. Résumé des principaux changements.

Le parlement fédéral a beaucoup fait parler de lui en adoptant le nouveau régime spécial d’imposition pour « contribuables impatriés et chercheurs impatriés ». Les cadres et chercheurs embauchés à l’étranger qui travaillent en Belgique pendant une certaine période peuvent recourir de manière temporaire aux régimes spéciaux d’imposition. Les nouveaux régimes remplacent depuis le 01/01/2022 le régime spécial d’imposition applicable à certains cadres étrangers (circulaire administrative du 08/08/1983).

« Le nouveau régime impacte de manière importante les employeurs qui bénéficiaient de l’ancien régime d’imposition prévu pour les expatriés. »

Pourquoi un nouveau régime d’imposition ?

Un nouveau régime d’imposition a été mis en place pour les cadres étrangers (les « expats ») en vue de renforcer l’attractivité de notre pays aux yeux des entreprises internationales désireuses de s’y implanter. Soumis chez nous à une pression fiscale parmi les plus élevées d’Europe, les employeurs peuvent profiter de ce régime avantageux pour offrir aux personnes concernées un salaire net attrayant et assurer la compétitivité des coûts salariaux par rapport à d’autres pays. Bien que ce régime spécial d’imposition soit régulièrement appliqué, il a suscité un certain nombre de critiques :

  • absence de base légale (il s’agit d’une circulaire administrative)
  • durée indéterminée
  • assimilation automatique des cadres à des non-résidents (ce qui pouvait en faire des apatrides fiscaux susceptibles de ne pas être couverts par les conventions préventives de double imposition et de ne pas être imposés sur les rémunérations couvertes par la « travel exclusion »)
  • complexité du calcul des frais propres à l’employeur

Tenants & aboutissants du nouveau régime

Le nouveau régime accroit la sécurité juridique car il est désormais consacré par une loi et est inclus dans le Code des Impôts sur les Revenus. Bien qu’il offre des avantages, il comprend également des restrictions. Celles-ci impactent de manière importante toute société ayant déjà recours à l’ancien régime spécial d’imposition, dans le cadre de la recherche de nouveaux talents ainsi que leur rétention.

Conditions d’éligibilité

  1. Absence de lien avec la Belgique

Pendant une période de 60 mois avant son arrivée en Belgique, l’expatrié ne peut pas :

  • avoir été imposé en tant que résident en  Belgique
  • avoir vécu à une distance inférieure à 150 km de la frontière belge
  • avoir été imposé en tant que non-résident sur des revenus professionnels de source belge

L’expatrié doit en outre :

  • avoir été recruté de l’étranger par une société résidente, un établissement belge d’une société étrangère ou une association sans but lucratif, ou
  • avoir été détaché/transféré en Belgique ou au sein d’un groupe multinational ou d’une association sans but lucratif.

Contrairement au régime antérieur, l’employeur ne doit plus faire partie d’un groupe international ni poursuivre un but lucratif. Une opportunité pour les sociétés belges n’appartenant pas à un groupe international.

La détention de la nationalité belge n’empêche par ailleurs plus le bénéficiaire de bénéficier du régime spécial d’imposition.

  1. Seuil de rémunération minimal : 75.000 euros

Le seuil  de salaire annuel minimum requis est fixé à 75.000 euros. Ce seuil comprend : le salaire brut, les rémunérations variables et les avantages de toute nature. Les frais propres à l’employeur ne sont en revanche pas pris en considération. En cas d’année calendrier incomplète, ce seuil est diminué pro rata temporis.

Exception pour les chercheurs

Ce seuil de salaire minimum n’est pas applicable aux chercheurs, dans la mesure où ils remplissent une des conditions suivantes :

  • Ils sont titulaires d’un master dans les domaines suivants : sciences agronomes, sciences appliquées, sciences industrielles, sciences médicales, sciences naturelles, sciences pharmaceutiques, sciences vétérinaires et ingénierie.
  • Ils possèdent au moins 10 ans d’expérience probante dans ces domaines.

Attention : cette exception pour les chercheurs ne s’applique pas aux dirigeants d’entreprise indépendants. Autre condition indispensable : le chercheur doit consacrer au moins 80% de son temps de travail à des activités de recherche.

Avantages du nouveau régime

L’employeur peut rembourser ou indemniser les coûts additionnels récurrents consécutifs à l’expatriation (coût de la vie ou coût du logement, par ex.) sans que cela constitue une rémunération imposable. Ce remboursement exonéré d’impôts est plafonné à 30% de la rémunération brute. Un remboursement inférieur reste cependant possible. À souligner que ces remboursements exonérés ne peuvent être supérieurs à 90.000 euros/an, ni rendre la part du revenu soumis à la sécurité sociale inférieure au seuil de 75.000 euros. Le remboursement est effectué sur base forfaitaire, de sorte qu’aucune pièce justificative n’est requise.

Le remboursement des frais scolaires dans une école internationale, ainsi que les frais de déménagement et d’installation, peuvent être également remboursés en tant que frais propres à l’employeur, en sus de la limite des 30%.

L’exclusion territoriale (généralement dénommée « travel exclusion ») n’est plus d’application.

Les entreprises belges peuvent désormais bénéficier elles aussi du nouveau régime d’imposition prévu pour les expatriés.

Durée maximale

Le nouveau régime est octroyé pour une période de 5 ans. Il peut être prolongé pour une période de 3 ans sous certaines conditions et n’est plus exclusivement limité à un seul employeur.

Résidence fiscale

Contrairement à ce que le régime antérieur prévoyait, les règles ordinaires belges de détermination de la résidence fiscale sont désormais applicables. Dès lors, si un expatrié ne peut pas être considéré comme résident belge sur base de la législation nationale, il devra obligatoirement délivrer au fisc belge une attestation de résidence émanant de son État de résidence.

Ce statut de résident fiscal belge implique, le cas échéant, que les expatriés entrant dans le champ d’application du régime spécial d’imposition sont imposables en Belgique sur base de leurs revenus mondiaux. Ils sont également couverts par les conventions préventives de double imposition conclues par la Belgique.

Procédure

L’expatrié doit introduire un dossier de demande d’application dans un délai de 3 mois à partir de la date de son début d’activité dans notre pays.

Les employeurs doivent chaque année (au plus tard le 31/01) communiquer la liste des employés et dirigeants ayant bénéficié du régime spécial d’imposition au cours de l’année échue.

Mesures transitoires

Environ 20.000 personnes bénéficiaient du régime spécial d’imposition fin de l’année 2021. Une mesure transitoire a été prévue : la loi autorise des mécanismes d’opt-in/opt-out pour les situations existantes qui doivent être analysées au cas par cas. Cette période transitoire est limitée à 2 ans.

1. Opt-in

Les contribuables qui bénéficient du précédent régime spécial d’imposition depuis moins de 5 ans peuvent opter pour l’application du nouveau régime s’ils remplissaient déjà les conditions d’application du nouveau régime lors de leur arrivée en Belgique. La demande d’opt-in doit être introduite pour le 31/07/2022 au plus tard.

En l’espèce, la durée maximale d’application du nouveau régime sera réduite de la durée pendant laquelle la personne a bénéficié du précédent régime.

2. Opt-out

Les contribuables qui bénéficient du précédent régime spécial d’imposition depuis moins de 5 ans peuvent choisir de continuer à bénéficier du régime précédent jusqu’au 31/12/2023. Cette mesure peut être intéressante pour les expatriés qui avaient des pourcentages de « travel exclusion » élevés.

3. Expatriés non éligibles

Les expatriés présents en Belgique depuis plus de 5 ans ou ne remplissant pas les conditions d’application du nouveau régime peuvent continuer à bénéficier du régime spécial d’imposition précédent jusqu’au 31/12/2023. Cela signifie qu’ils deviendront résidents fiscaux belges à partir du 01/01/2024.

Compte tenu de ces différentes mesures transitoires, nous recommandons aux employeurs d’analyser attentivement l’impact du nouveau régime sur leurs expatriés, afin d’effectuer un choix adéquat avant l’échéance fixée au 31/07/2022.

Points d’attention pour les employeurs

  • L’échéance du 31/07/2022 approche. Réfléchissez à adopter la meilleure solution transitoire pour chaque expatrié, au cas par cas.
  • Informez vos expatriés des changements fondamentaux en matière de résidence et des autres implications du nouveau régime sur leurs revenus (dont les revenus professionnels).
  • Le nouveau mode de calcul des frais propres à l’employeur nécessite une adaptation des contrats de travail des personnes concernées, ainsi que d’éventuels avenants d’expatriation.
  • Calculez l’impact de ce nouveau régime sur le salaire net et le coût patronal. Comment rester un employeur attractif et compétitif ?
  • Le nouveau système impacte les systèmes de calcul de rémunération habituels. Il est fort probable que vous deviez adapter votre politique salariale.
  • Les entreprises belges peuvent également bénéficier de ce régime fiscal spécial, même si elles ne font pas partie d’un groupe international ou que leur collaborateur impatrié possède la nationalité belge.
  • La nouvelle législation est en application depuis peu. Ouvrez l’œil, certains éclaircissements pourraient apparaître prochainement…