« Tout entrepreneur doit se dire : qui ne risque rien n’a rien. »

Le chef d’entreprise Jürgen Ingels raconte son expérience

Des célébrations locales aux événements nationaux (Supernova ou The Big Score), du petit commerce lucratif de vente de notes & questions d’examen à la création d’entreprises internationales (Clear2Pay ou SmartFin) : le parcours du chef d’entreprise Jürgen Ingels est assez impressionnant. Il vient de rassembler ses expériences dans un recueil de 50 conseils adressés aux entrepreneurs. Il y évoque son aventure chocolatée en Suède, les couches Pampers, Porsche, le syndrome de la dinde, des factures et du vin.

Laurien Van Nieuwenhove, Content Officer BDO Marketing & Communication

« Beaucoup veulent connaître ma formule magique pour créer une entreprise prospère à partir de rien. Elle n’existe malheureusement pas. Entreprendre est une aventure où l’on tombe (souvent) et l’on se relève », lance Jürgen Ingels lors de notre webinaire Easy Speaking. Son parcours d’entrepreneur a commencé très tôt, dès  l’âge de 16 ans : « Une nécessité, compte tenu des règles de sortie strictes imposées à la maison. » Il a rassemblé toutes ses expériences accumulées depuis dans un livre : « 50 lessen voor ondernemers ».

Les Suédois et les pralines

C’est lors d’un séjour en Suède que Jürgen Ingels a découvert l’impact du facteur culturel sur le chemin vers le succès. Le marché suédois du chocolat posait problème : les Suédois raffolent de l’or noir. Ils sont prêts à payer une fortune pour s’en procurer mais peu de chocolat de qualité est proposé à la vente. « Des centaines de Suédois faisaient la file à l’ouverture de notre boutique. Mais chaque client n’a acheté qu’une ou deux pralines. Comment l’expliquer ? Alors que nous les Belges, nous en achetons un demi-kilo et les consommons dans la journée, les Scandinaves sont beaucoup plus attentifs à leur silhouette. Acheter du chocolat pour eux, c’est comme un péché à consommer avec parcimonie. Nous avions pourtant organisé des tests gustatifs, mené des études de marché, pesé et soupesé des emplacements et des options… Mais le facteur culturel nous a été fatal. Nous avons malheureusement vu des milliers d’euros partir en fumée et notre activité s’arrêter rapidement. »

La force du petit effort supplémentaire

Jürgen Ingels tire sa philosophie de vie d’une sagesse mathématique qu’il décrit comme « la force du petit effort supplémentaire. En vous impliquant chaque jour 1% de plus, vous prenez rapidement une importante longueur d’avance sur la concurrence. Le principe inverse est tout aussi vrai : en vous impliquant 1% de moins, vous accumulez rapidement du retard. Le comportement cohérent est cumulatif. Je travaille tous les samedis de 7 à 12 h. Cela n’a l’air de rien mais au bout d’une année, ce nombre d’heures prestées est considérable. »

Le petit effort supplémentaire ne signifie toutefois pas que l’arc doit être constamment tendu. « Avant, je croyais que travailler dur était la clé de la productivité. Mais c’est le meilleur moyen pour s’épuiser. Je sais aujourd’hui qu’un bon sommeil, une alimentation équilibrée, la pratique sportive et les périodes de pause sont également essentiels.

Les ingrédients de la réussite

L’esprit d’entreprise n’est pas un gène transmis à la naissance. Il demande toutefois une certaine prédisposition. « Une passion ardente, de la persévérance, un côté rebelle et une soif d’apprendre insatiable sont des ingrédients indispensables, explique Jürgen Ingels. Sans oublier un soupçon de chance et une dose d’audace. Il faut oser prendre des risques et investir. Votre idée ne tient pas la route ? Vous aurez de toute façon acquis de l’expérience. Tout entrepreneur doit se dire : qui ne risque rien n’a rien. Alors lancez-vous. Mais de manière réfléchie. »

Un petit coup de pouce suffit parfois. Jürgen Ingels cite l’exemple d’une entreprise dont il était administrateur. Le CEO avait acheté une Porsche pour motiver ses vendeurs. « Celui qui avait conclu le plus de transactions à la fin de la semaine pouvait ramener la Porsche à la maison le week-end. J’avais d’abord trouvé cette dépense inutilement coûteuse. Mais l’idée a fonctionné ; le prix de la voiture a été récupéré en un rien de temps. »

Entreprendre de manière réfléchie exige de s’appuyer sur une stratégie adaptée. « Prenez le temps de réfléchir à d’autres alternatives que la voie classique. Beaucoup de gens restent cantonnés au secteur dans lequel ils ont débuté leur carrière. Celui qui élargit ses connaissances en marge de son activité principale acquiert de nouvelles compétences et prend de l’avance. »

L’homme aux Pampers

Le sens inné des affaires ne constitue pas le seul fil rouge du parcours de Jürgen Ingels. Dans sa vie privée aussi, il déborde d’idées. « Tous les parents savent qu’un paquet de couches coûte cher. Alors j’ai cherché le moyen de faire des économies. Et j’ai trouvé la solution en achetant un conteneur rempli de Pampers qui provenait d’une entreprise en faillite située en Allemagne. J’avais non seulement assez de couches pour mes enfants, mais j’ai pu également en revendre à des amis et d’autres parents. Dans le quartier on m’a rapidement identifié comme ‘L’homme aux Pampers’. Aujourd’hui encore on me demande si je vends des couches au supermarché. Heureusement non, mes enfants ont bien grandi depuis ! »

Déléguer pour se renforcer

Jürgen Ingels : « Ne consacrez pas d’énergie à des choses pour lesquelles vous n’avez aucune prédisposition. Appliquez plutôt le principe de Pareto : déterminez les 20% de votre travail dans lesquels vous excellez et concentrez-vous dessus. Déléguez le reste des tâches. Un véritable coup d’accélérateur pour l’efficacité de votre entreprise. » La confiance mutuelle occupe à cet égard une place centrale, sans pour autant réduire la capacité de contrôle. « Je parcours une fois par mois les factures en sirotant un bon verre de vin. Cela me permet de rester au courant de la vie des différents départements, de garder les rênes sans forcément vouloir faire tout moi-même. »

Déléguer ne signifie pas que communiquer avec ses collaborateurs devient superflu, au contraire ! Le temps consacré à expliquer une mission sera largement rentabilisé par la suite. Jürgen Ingels : « J’ai un jour envoyé mon fils acheter chez le boucher 500 g de filet de dinde. Il est revenu avec une pile de tranches de dinde emballées. Mon explication m’avait semblé limpide mais mon fils l’avait interprétée autrement. Rien de catastrophique… Dans un contexte professionnel, toutefois, pareil type de malentendu pourrait avoir de graves conséquences. »

La culture, clé du succès

La stratégie est capitale mais la culture l’est plus encore, tant au sein de votre propre organisation que sur le marché auquel vous vous adressez. « Une culture aiguë des collaborateurs peut faire prospérer ou chuter votre entreprise. Créer une ambiance agréable n’est pas forcément compliqué. Personnellement je suis partisan d’installer un bar dans l’entreprise. Cela contribue à briser les silos et à découvrir des collègues qu’on ne voit jamais. Il n’y a rien de plus embarrassant qu’être plusieurs à fixer le plafond dans un ascenseur et découvrir ensuite qu’on est collègues. »

Investir dans la croissance de ses collaborateurs, c’est leur permettre de s’épanouir tant sur le plan professionnel que privé. « Ne craignez pas de réorganiser des équipes ou de recruter de nouvelles personnes. Mieux vaut un mauvais produit avec une bonne équipe que l’inverse. Une bonne équipe trouvera toujours le moyen d’améliorer un produit. »

Jürgen Ingels clôture son speech par un précieux conseil : « Restez critique envers vous-même. À l’université, on me surnommait ‘le Schumacher d’Excel’. J’étais féru de ce programme. Jusqu’à ce qu’un jeune collaborateur me démontre des années plus tard à quel point j’étais devenu inefficace dans le domaine. Le monde s’adapte en permanence. Vous aussi, adaptez-vous. Demain, vous serez peut-être dépassé dans le domaine où vous excellez aujourd’hui. »