Fidélisez vos talents

Grâce à des options sur actions ou d’autres formes d’intéressement du personnel

Anne-Charlotte Lelièvre, Senior Manager BDO Legal
Nicolas Thémelin, Senior Advisor BDO Tax

La crise du coronavirus a modifié considérablement notre manière de travailler mais aussi la façon dont les collaborateurs appréhendent les nouvelles formes d’organisation du travail. C’est aux  entreprises qu’il appartient d’assurer la fidélisation de leurs talents et de renforcer leur motivation. Les options sur actions sont une des formes d’intéressement les plus courantes mais d’autres solutions sont envisageables, tant pour les grandes entreprises que pour les PME.

La crise sanitaire a eu un impact considérable sur la vie des entreprises et de leurs collaborateurs. Alors que les entreprises du secteur technologique et de la grande distribution ont pu y saisir de nouvelles opportunités de développement, quantité d’autres tentaient de garder la tête hors de l’eau, sans parler de celles contraintes de fermer leurs portes durant plusieurs mois.

Les mesures imposées par les différents gouvernements dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 ont profondément changé le monde du travail : augmentation du télétravail, diminution des interactions entre membres du personnel, changement de mentalité quant à la vision du travail… Si elle veut conserver ses talents, chaque entreprise – quelle que soit sa taille – se doit de mettre en place des outils de rétention et de fidélisation de ses collaborateurs.

Parmi ceux-ci figurent les incitants de type économique, qui recèlent de nombreux avantages. Les collaborateurs qui se voient offrir un intéressement financier directement lié aux résultats de l’entreprise tendent à fournir de meilleures prestations et à contribuer davantage aux résultats. Ce type d’intéressement permet également de diminuer les risques liés au départ ou à la perte de motivation des collaborateurs.

La panoplie d’incitants est large. Beaucoup d’entre eux sont méconnus des petites et moyennes entreprises qui pensent souvent (à tort) que ces mécanismes sont administrativement lourds ou ne peuvent être mis en place qu’au sein de structures plus larges. En voici un aperçu.

« Les collaborateurs qui se voient offrir un intéressement financier directement lié aux résultats de l’entreprise fournissent de meilleures prestations et contribuent davantage aux résultats. »

Options sur actions

En proposant des options sur actions, l’entreprise donne à un ou plusieurs collaborateurs le droit d’acquérir des actions existantes (options sur actions) ou de souscrire de nouvelles actions (warrants), à un moment déterminé et pour un prix déterminé.

L’avantage lié à l’octroi des options sur actions est imposable au titre de revenu professionnel dans le chef du collaborateur au moment de l’attribution des options, lequel est fixé légalement le 60e jour qui suit la date de l’offre (pour autant qu’elle ait été acceptée par écrit endéans ce délai). Cet avantage est exonéré de cotisations de sécurité sociale et de pécule de vacances sur rémunération variable si le bénéficiaire est assujetti à l’ONSS. Cette exonération de cotisations de sécurité sociale ne s’applique pas aux bénéficiaires soumis au régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants (INASTI). En effet, la base de calcul des cotisations INASTI correspond au montant du revenu professionnel imposable, qui reprend l’avantage de toute nature « options sur actions ».

Le montant de l’avantage imposable est fixé forfaitairement à 18% de la valeur des actions sous-jacentes, sauf si les options sont cotées en bourse (ce qui arrive rarement lorsqu’il s’agit d’options sur actions de l’employeur). Ce pourcentage est majoré de 1% lorsque l’option a une durée d’existence supérieure à 5 ans, et ce, pour chaque année au-delà de la 5e année (par exemple, 23% pour une durée de 10 ans). Moyennant le respect de certaines conditions, ces pourcentages peuvent toutefois être réduits de moitié.

Lorsque les conditions susmentionnées (telles que l’acceptation des options dans les 60 jours suivant l’offre) sont respectées, la plus-value réalisée au moment de l’exercice des options ou de la vente des actions sous-jacentes sera exonérée d’impôt (dans le chef du collaborateur) et de cotisations de sécurité sociale (dans le chef du travailleur et de l’employeur, si le bénéficiaire est assujetti à l’ONSS).

Les options sur actions et les warrants constituent le produit de fidélisation et de motivation du personnel par excellence, d’autant qu’ils peuvent être attribués de manière discrétionnaire aux membres les plus prometteurs de l’entreprise ou à des collaborateurs indépendants. En outre, certains mécanismes protecteurs peuvent être mis en place afin de protéger le collaborateur d’une éventuelle diminution de la valeur des actions sous-jacentes.

Autre précision : entre le moment où les options sont attribuées et l’exercice de celles-ci, le bénéficiaire des options n’est pas actionnaire de la société. Il n’a donc ni le droit de vote, ni le droit aux dividendes. Si les options lui donnent le droit de souscrire de nouvelles actions (warrants), le bénéficiaire aura cependant le droit de participer aux assemblées générales ; il y disposera d’une simple voix consultative.

Exemple

La valeur d’une société qui a émis 100.000 actions est établie à 1.000.000 euros. Chaque action vaut donc 10 euros.

Le 01/10/2021, un collaborateur se voit offrir la possibilité d’acquérir des options portant sur 100 actions de la société, lesquelles peuvent être exercées entre le 01/01/2025 et le 30/09/2026.

Si le collaborateur accepte les options sur actions avant le 01/12/2021 et que certaines conditions sont réunies, il paiera 48,15 euros d’impôts. Ce montant est calculé comme suit :

  • L’avantage imposable s’élève à 1.000 euros, montant qui correspond à la valeur totale des actions sur lesquelles portent les options.

  • Ces 1.000 euros sont multipliés par 9%, ce qui revient à un montant de 90 euros.

  • Ces 90 euros sont ensuite multipliés par le taux applicable de l’impôt des personnes physiques (50% dans la plupart des cas -> = taux marginal). Cet impôt est à majorer d’un pourcentage de taxe communale additionnelle de 7% (en moyenne). Il en résulte un impôt à payer de 48,15 euros.

Deux scénarios peuvent se produire entre la fin 2021 et le début de la période d’exercice :

  1. La valeur de l’entreprise a baissé. Dans ce cas, il est peu probable que le bénéficiaire soit intéressé par l’exercice de ses options, étant donné qu’il ne réalisera pas de plus-value. Le montant de l’impôt payé au départ sera perdu, sauf dans l’hypothèse où l’employeur a mis en place un mécanisme de protection (: le paiement d’un compensation en espèces qui sera exonéré d’impôt moyennant le respect de certaines conditions).
  2. La valeur de l’entreprise a augmenté. Les actions ont dès lors pris de la valeur (ex. : augmentation de 75% -> 100 actions = 1.750 euros). Dans ce cas, le bénéficiaire exercera ses options. S’il revend immédiatement les actions sous-jacentes, il réalisera un bénéfice de 750 euros. Compte tenu de l’impôt de 48,15 euros payé lors de l’attribution, son bénéfice net s’établira à 701,85 euros.

Actions gratuites ou avec décote

Afin d’encourager ses collaborateurs à prendre des participations, une société peut également décider de leur octroyer (moyennant le respect de certains conditions le cas échéant) des actions existantes ou de nouvelles actions à prix réduit (voire à titre gratuit s’il s’agit d’actions existantes).

Dans ce cas, l’avantage lié à l’octroi des actions est imposable au moment de l’acquisition ou de la souscription des actions au titre de revenu professionnel. L’employeur devra retenir et payer des cotisations de sécurité sociale sur celui-ci.

Le principe veut que le montant de l’avantage imposable et cotisable corresponde à la différence entre la valeur de marché des actions (= valeur boursière si les actions sont cotées) et le prix d’acquisition/de souscription payé par le collaborateur. Lorsque les actions sont cotées et qu’une période d’incessibilité d’au moins 2 ans figure parmi les conditions d’octroi, la valeur des actions peut être réduite de 20/120 pour le calcul du montant de l’avantage imposable et cotisable.

Attention : dans ce cas, les collaborateurs sont directement actionnaires de la société et bénéficient de tous les droits liés aux actions acquises/souscrites (dividendes, votes, etc.).

Autres formes d’intéressement

Il arrive qu’il soit impossible en pratique d’octroyer des options sur actions ou des actions avec décote ou gratuites (parce que la liquidité des titres ne pourrait pas être assurée, par ex.). Dans ce cas, d’autres formes d’intéressement sont possibles :

  • Les Phantom Shares (actions fantômes) permettent d’intéresser les collaborateurs à l’augmentation de valeur de l’entreprise par le biais d’un paiement en cash (sans qu’ils deviennent actionnaires) ;

  • La prime bénéficiaire dans le cadre de laquelle tout ou partie des bénéfices de l’exercice comptable est redistribué aux collaborateurs. Elle bénéficie d’un traitement (para)fiscal avantageux ;

  • Le bonus CCT90 (c’est-à-dire les avantages non récurrents liés aux résultats) permet d’octroyer aux collaborateurs un bonus salarial intéressant. Lui aussi bénéficie d’un traitement (para)fiscal avantageux ;

  • etc.

Bref, chaque entreprise – quelle que soit sa taille – a la possibilité de faire participer ses collaborateurs à son capital ou à ses bénéfices afin de les motiver et de les fidéliser.