Impact du télétravail sur les travailleurs en mobilité internationale : aspects de droits de travail

Auteurs : Lola Degrez, Senior, Charline Leflot, Advisor BDO Legal

Pour éviter la propagation du coronavirus, un grand nombre d’employeurs à travers le monde se sont vus contraints de mettre leurs effectifs en télétravail. Ce recours au télétravail peut avoir un impact sur certains travailleurs en situation de mobilité internationale, dont les lieux d’occupation initiaux sont perturbés et qui se retrouvent en télétravail sur le sol belge. Nous abordons ci-dessous certains aspects sociaux que la situation de ces télétravailleurs peut soulever.

Législation du travail applicable

“La législation du travail applicable dépend du caractère temporaire ou permanent de la situation de télétravail du travailleur.”

Pour tout travailleur en situation de mobilité internationale, il convient de s’interroger sur la législation du travail applicable. En effet, cela permet de déterminer les conditions qui s’appliquent impérativement à la relation de travail. Sont notamment visés le salaire minimum, la durée maximale de travail et les temps de repos, mais également, en ce qui concerne la Belgique, les dispositions en matière de télétravail.

Selon le principe général énoncé dans le Règlement Rome I du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (ci-après dénommé « Règlement Rome I »), le contrat de travail est régi par le droit choisi par les parties. Toutefois, ce choix ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection des dispositions impératives plus favorables de la législation du pays où les prestations sont habituellement accomplies. Le lieu de travail habituel est celui où, compte tenu de l’ensemble des éléments qui caractérisent son activité, le travailleur s’acquitte de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur.

Le Règlement Rome I précise cependant que le pays dans lequel le travail est habituellement accompli n’est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays. Par conséquent, en cas de télétravail d’un travailleur qui n’est pas résident belge, il convient de déterminer si la situation n’est que temporaire et d’être attentif aux situations de télétravail qui perdurent dans le temps.

Si le télétravail est uniquement lié à la crise sanitaire, la législation du travail choisie initialement continue de s’appliquer comme auparavant, à moins que l’employeur et le travailleur n’en conviennent autrement. Par contre, si le télétravail a vocation à se maintenir après la crise sanitaire, la situation revêt un caractère permanent et peut avoir un impact sur le lieu d’occupation habituel du travailleur. Si l’importance du télétravail est telle que le pays de résidence devient le lieu de travail habituel du travailleur, les dispositions impératives de la législation sociale de ce pays qui sont plus favorables au travailleur devraient s’appliquer.

Le cas échéant, chaque situation doit être analysée au cas par cas afin de déterminer si les dispositions impératives étrangères sont plus favorables au travailleur en question que celles prévues par la législation sociale belge ou le droit initialement choisi par les parties.

Législation belge en matière de télétravail

Il existe, en droit belge, plusieurs formes de télétravail :

  • le télétravail occasionnel, qui concerne les situations de télétravail exceptionnelles et non récurrentes, en cas de force majeure ou pour des raisons personnelles ;

  • le télétravail structurel ;

  • le télétravail fortement recommandé ou obligatoire en raison de la crise du coronavirus, dont le cadre juridique a été mis en place récemment.

Le télétravail structurel

Le télétravail structurel ou régulier est réglementé par la Convention Collective de Travail n°85 (ci-après dénommée « CCT n°85 »). Il s’agit du travail effectué hors des locaux de l’employeur de façon régulière et non occasionnelle.

La CCT n°85 sur le télétravail structurel s’applique indépendamment de la crise sanitaire du coronavirus. Elle est donc plus généralement d’application dans toute situation de télétravail régulier (ex : 2 jours de télétravail par semaine) lorsque la législation sociale belge est applicable.

La CCT n°85 prévoit un cadre général au télétravail structurel, dont les principales règles sont les suivantes :

  • Le télétravail doit faire l’objet d’une convention écrite (dont les mentions obligatoires sont précisées dans la CCT n°85) entre l’employeur et chaque travailleur individuellement au plus tard au moment où le télétravailleur commence l’exécution du télétravail ;

  • Le télétravailleur doit bénéficier des mêmes droits en matière de conditions de travail que les travailleurs comparables occupés dans les locaux de l’employeur ;

  • Le télétravailleur gère l’organisation de son travail dans le cadre de la durée du travail applicable dans l’entreprise ;

  • L’équipement et l’assistance technique nécessaire doivent être fournis au télétravailleur par l’employeur. Il doit également prendre en charge les coûts des communications et des connexions liées au télétravail;

  • L’employeur est tenu de prendre des mesures pour prévenir l’isolement du télétravailleur par rapport aux autres travailleurs de l’entreprise.

Le télétravail recommandé ou obligatoire en raison de la crise du coronavirus

En janvier 2021, les partenaires sociaux belges ont conclu la Convention Collective de Travail n°149 relative au télétravail recommandé ou obligatoire en raison de la crise du coronavirus (ci-après dénommée « CCT n°149 »).

Cette CCT est conclue pour une durée déterminée, avec une date de fin au 31 décembre 2021, à moins qu’elle ne devienne sans objet plus tôt. Elle s’applique aux entreprises dont les travailleurs sont en télétravail recommandé ou obligatoire en raison de la crise du coronavirus et qui n’ont pas élaboré de régime de télétravail. Si la législation sociale belge s’applique à la relation de travail avec un télétravailleur sur le sol belge, ce nouveau cadre a donc vocation à s’appliquer.

Les éléments les plus importants de cette nouvelle CCT sont les suivants :

  • Comme pour le télétravail structurel (CCT n°85), le télétravailleur bénéficie des mêmes conditions de travail que celles appliquées lorsqu’il est employé dans les locaux de l’employeur et d’une charge de travail équivalente. Si des conditions de travail spécifiques s’appliquent, il doit en être informé ;

  • L’équipement et l’assistance technique nécessaire doivent être fournis par l’employeur. Dans le cas contraire, l’employeur doit prendre en charge les frais d’installation des logiciels informatiques, les frais d’utilisation, de fonctionnement, d’entretien et d’amortissement ;

  • Un accord doit également intervenir concernant les frais de communication et de connexion liés au télétravail supplémentaires. Lors de la discussion relative à l’indemnisation des frais, il peut cependant être tenu compte des autres coûts et frais ou compensations versés par l’employeur, même si ceux-ci ne sont pas attachés aux conséquences liées à la crise du coronavirus (ex : une indemnité de bureau qui serait déjà versée) ;

  • La CCT exige également une consultation et, dans la mesure du possible, un accord avec les employés sur des questions importantes telles que les horaires de travail, le contrôle des résultats à atteindre, les critères d’évaluation et les périodes pendant lesquelles le télétravailleur doit être joignable ;

  • Enfin, l’employeur a l’obligation d’informer le télétravailleur des mesures préventives (installation du poste de travail, utilisation correcte des écrans/affichages, etc.) et de maintenir les liens du télétravailleur avec ses collègues et avec l’entreprise, afin de prévenir l’isolement.

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