Êtes-vous prêts pour l’après-Brexit ?

TVA, douane, RGPD et mobilité des travailleurs

Le Royaume-Uni a quitté le marché unique européen le 1er janvier 2021. Les longues négociations sur le Brexit ont débouché in extremis sur un nouvel accord commercial entre l’Union européenne et les Britanniques. Cet accord qui régit leurs relations s’étend du commerce et des formalités douanières jusqu’à l’organisation de l’emploi international, en passant par la protection des données personnelles. Il pose de nombreuses questions. Voici les réponses aux plus fréquemment posées d’entre elles.

Auteurs :

  • Katrien Kegels, Senior Manager BDO Customs
  • Luc Sambre, Senior Manager BDO Customs
  • Johannes Pannus, Manager BDO Legal
  • Pieter Goovaerts, Manager BDO Legal

TVA ET DOUANE

Quelles sont les conséquences du Brexit sur la TVA ?

Des modifications importantes ont été apportées à la qualification des livraisons de marchandises depuis et vers le Royaume-Uni. Ce qui était autrefois considéré comme livraison intracommunautaire doit maintenant être qualifié d’exportation de marchandises. Celui qui achète des biens outre-Manche n’effectue plus une acquisition intracommunautaire mais importe des biens.

Les personnes remplissant les conditions requises peuvent obtenir une exonération de TVA pour certaines transactions.

L’importation et l’exportation modifient certaines formalités (telles que les mentions sur la facture, par ex.).

En matière de prestations de services, on observe peu de changements dans la pratique. La localisation (pays où la TVA est due) reste inchangée, au contraire des formalités TVA et des mentions obligatoires devant figurer sur la facture.

Dans quelle mesure la douane est-elle impactée ?

Avec l’avènement du Brexit, la libre circulation des biens & services entre le continent et le Royaume-Uni disparaît, les contrôles aux frontières se rétablissent et le commerce dans sa globalité doit respecter les formalités douanières. Des droits d’importation et autres droits de douane peuvent être réclamés, obligeant votre entreprise à introduire des déclarations. Elle peut sous-traiter à un représentant spécialisé l’établissement et le dépôt de ces déclarations (par le biais d’une représentation directe ou indirecte) ou s’en charger elle-même, moyennant les connaissances et autorisations nécessaires.

Des droits d’importation sont-ils d’application ?

En principe oui. Toute personne qui peut démontrer que les marchandises exportées de l’UE vers le Royaume-Uni sont originaires de l’UE (origine préférentielle), ou à l’inverse, que les marchandises exportées du Royaume-Uni vers l’UE sont originaires du Royaume-Uni, peut cependant être exonérée de droits d’importation. Autrement dit, il faut démontrer que les marchandises proviennent de l’UE ou du Royaume-Uni. C’est aux entreprises qu’a été confiée la responsabilité de démontrer l’origine des marchandises, par l’entremise d’un système d’auto-certification.

L’origine préférentielle doit être prouvée par attestation d’origine. Quand la valeur des biens exportés dépasse 6.000 euros, un enregistrement REX (qui prouve que vous êtes enregistré) est nécessaire.

Dans le cas d’importations au Royaume-Uni de marchandises dont la valeur est inférieure à 1.000 GBP, aucune charge de preuve quant à l’origine préférentielle n’est requise.

Bon à savoir : la preuve de l’origine peut être fournie jusqu’à 3 ans après l’exportation. Vous devez payer dans l’intervalle les droits d’importation mais ils vous seront remboursés une fois la preuve d’origine fournie.

Quand payer la TVA sur les transactions d’importation ?

La TVA est redevable dès que la valeur des marchandises importées est supérieure à 22 euros. Les importations de biens de moindre valeur sont exonérées de cette mesure (utile notamment pour le commerce électronique). Cette exemption sera supprimée à partir du 01/07/2021, suite aux modifications de la réglementation en matière d’e-commerce. La TVA d’importation est en principe exigible dès l’entrée des marchandises sur le territoire de l’UE.

Qu’en est-il des mesures non fiscales ?

Sauf disposition contraire, toutes les mesures non fiscales (sécurité, santé, économie et environnement) applicables aux pays tiers s’appliqueront également aux échanges à destination et en provenance du Royaume-Uni.

PROTECTION DES DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL

Faut-il prendre des mesures supplémentaires concernant le RGPD ?

Le nouvel accord commercial prévoit une période transitoire (du 01/01/2021 au 30/06/2021 au plus tard) durant laquelle les données à caractère personnel pourront continuer à être échangées comme auparavant. L’UE examinera entretemps si le Royaume-Uni applique un niveau de protection suffisamment semblable au RGPD, et s’il s’avère nécessaire d’obtenir des garanties supplémentaires pour protéger efficacement les échanges au-delà de la deadline convenue.

La Commission européenne a publié le 19/02/2021 un projet de décision d’adéquation à l’égard du Royaume-Uni. La décision d’adéquation définitive est attendue pour le 30/06/2021. Adopter une telle mesure signifie que l’UE considère le niveau britannique de protection des données à caractère personnel comme équivalent au RGPD, et qu’elle peut transmettre librement et sans mesures supplémentaires des données avec le Royaume-Uni.

Si celui-ci est encore qualifié de « pays tiers » (tel que défini dans la directive RGPD), les entreprises belges devront prendre les mesures suivantes :

  • La mise en œuvre de clauses contractuelles types, telles qu’adoptées par la Commission européenne ou une autorité de contrôle (art. 46 du RGPD).

  • L’application de clauses contractuelles entre les parties après approbation de ces clauses par l’autorité de contrôle, également appelées clauses ad hoc (art. 46 du RGPD, alinéa 3).

  • Le respect d’un code de conduite approuvé (art. 40 du RGPD).

  • Le respect de règles d’entreprise contraignantes approuvées (art. 47 du RGPD).

Que faire si une succursale ou filiale est établie au Royaume-Uni ?

Comme indiqué ci-dessus, le RGPD reste d’application au Royaume-Uni pendant la période transitoire (jusqu’au 30/06/2021 au plus tard). La décision d’adéquation susmentionnée n’entrera peut-être en vigueur qu’à cette date butoir, ce qui vous permettra de continuer jusque-là à échanger des données avec votre succursale/filiale sans devoir prendre de mesures supplémentaires. Si les mesures britanniques sont insuffisantes, vous devrez mettre en place des garanties appropriées, comme expliqué ci-dessus.

Que peut faire mon entreprise pour protéger efficacement ses données à caractère personnel ?

Connaître ses obligations en matière de protection des données à caractère personnel permet d’éviter tout risque financier ou atteinte à la réputation de l’entreprise.

  • Identifiez clairement les flux de données à caractère personnel entrants et sortants de votre entreprise.

  • Vérifiez quels flux de données sont exposés à un échange ou transfert international.

  • Déterminez quel mécanisme (clauses types, décision d’adéquation, règles d’entreprise contraignantes, etc.) est utilisé pour le transfert ou l’échange à l’international.

  • Décidez si une évaluation et/ou des modifications contractuelles doivent être ou pas effectuées.

Quid des entreprises établies au Royaume-Uni qui offrent des biens & services ou qui surveillent le comportement de personnes situées dans l’UE  ?

Le nouvel accord commercial n’a pas prévu que le mécanisme «one-stop-shop » se poursuive. Cela signifie que seules les entreprises établies au Royaume-Uni (dont les activités de traitement relèvent de l’application du RGPD) doivent se conformer aux nouvelles règles. Depuis le 01/01/2021, elles sont tenues de désigner un représentant auprès de l’UE.

Pour les flux de données transitant du Royaume-Uni vers l’UE, c’est la législation britannique qui est d’application depuis le 01/01/2021. Étant donné que le Royaume-Uni a décidé que l’UE offrait un niveau de protection suffisant pour les données à caractère personnel, ces flux de données peuvent être réalisés sans mesures supplémentaires.

MOBILITÉ DES TRAVAILLEURS

Les travailleurs britanniques ont-ils besoin d’un visa ?

Les travailleurs britanniques peuvent se rendre sans visa en Belgique pour une durée de 90 jours calendrier maximum étalés sur une période de 180 jours calendrier. En revanche, un visa est nécessaire en cas de travail, d’études, de voyages d’affaires ou de séjour plus long que la durée maximale autorisée.

Les travailleurs britanniques ont-ils besoin d’un permis de travail ?

Les travailleurs britanniques installés en Belgique au 31/12/2020 et qui y demeurent après le 01/01/2021 peuvent obtenir un nouveau titre de séjour (type M) auprès de la commune où ils sont domiciliés. L’obtention d’un permis de travail n’est pas nécessaire s’ils sont en possession de ce type de titre de séjour.

En revanche, les travailleurs britanniques non encore établis en Belgique doivent obtenir depuis le 01/01/2021 une autorisation ou un permis de travail pour pouvoir exercer leur profession dans notre pays. Quelques exceptions existent toutefois, notamment pour suivre des formations ou assister à des réunions en cercle fermé, ce pour une durée limitée.

Un détachement temporaire vers ou depuis le Royaume-Uni est-il encore possible ?

Oui. Les travailleurs belges ou britanniques détachés temporairement par leur employeur pour travailler au Royaume-Uni ou en Belgique restent soumis à la législation de leur pays d’origine en matière de sécurité sociale. Pour autant que la durée du détachement ne dépasse pas 24 mois et que le travailleur ne remplace pas un autre travailleur détaché.