Le Code des sociétés et des associations (CSA) fait déjà peau neuve

Nouvelle année, nouvelles dispositions : depuis ce 1er janvier, le CSA s’applique également aux personnes morales constituées avant le 1er mai 2019. Il intègre plusieurs nouvelles dispositions impératives et en modifie d’autres. Le régime de distribution du capital est concerné, tout comme le modèle des comptes annuels, qui subit un relifting. Inventaire et analyse des nouvelles règles en vigueur.

CSA

Quel modèle de comptes annuels faut-il utiliser ?

Le CSA nouvelle mouture distingue sociétés à capital (société anonyme – SA, société européenne – SE, société coopérative européenne – SCE) et sociétés sans capital (sociétés à responsabilité limitée – SRL, société coopérative – SC). Ce changement entraîne une modification du PCMN (Plan Comptable Minimum Normalisé) et des comptes annuels. On distingue désormais 6 modèles de comptes annuels : 3 pour les sociétés à capital (micro – abrégé – complet) et 3 pour les sociétés sans capital (micro – abrégé – complet).

Que deviennent les capitaux propres ?

Les modifications du PCMN impactent les sociétés sans capital au niveau des capitaux propres. Le compte 11 (Apport hors capital) est subdivisé en 110 (Apport disponible) et 111 (Apport indisponible). Depuis le 1er janvier, la partie entièrement libérée du capital fixe et les réserves légales des sociétés existantes (S(P)RL ou SC(RL), par ex.) ont été converties de plein droit et sans la moindre formalité en capitaux propres statutairement indisponibles.

Quelles modifications les entreprises concernées doivent-elles apporter ?

Les S(P)RL et les SC(RL), qui deviennent des sociétés sans capital, doivent adapter leurs statuts et leurs comptes comme indiqué dans le tableau ci-dessous. Elles peuvent toutefois rendre les comptes indisponibles à nouveau disponibles via une modification de leurs statuts.

Transformation du capital Débit Crédit
100 Capital souscrit xxx
111901 Autre apport indisponible hors capital non appelé xxx
@ 1119 Autre apport indisponible hors capital xxx
101 Capital non appelé xxx
Transformation de la réserve légale Débit Crédit
130 Réserves légales xxx
@ 1311 Réserves statutairement indisponibles xxx

Quels nouveaux principes régissent les distributions dans le cas d’une SRL et d’une SC ?

La suppression du concept de capital pour la SRL et la SC modifie de facto les règles relatives aux distributions. La décision d’affectation des résultats est toujours prise lors de l’assemblée générale mais elle ne peut désormais produire ses effets qu’après avis de l’organe d’administration. La notion de distribution prend une signification plus large dans ces deux formes juridiques sans capital. Maintenant que l’exigence de capital est officiellement supprimée, la procédure de réduction de capital disparaît et le remboursement aux actionnaires d’apports antérieurs (en espèces ou en nature) est couvert par le régime des distributions.

Le principe établit que les distributions doivent empêcher que les capitaux propres de la société deviennent négatifs, ou que la société ne soit plus en capacité de payer ses dettes exigibles. Ce principe se traduit par un double test : le test d’actif net et le test de liquidité.

Quels nouveaux principes régissent les distributions dans le cas d’une SA ?

Contrairement à la SRL et à la SC, les règles de distributions au sein de la SA subissent peu de changements. L’article 617 C. Soc, qui définit le test d’actif net, est repris en grande partie. Étant donné que le test de liquidité est une mesure compensatoire pour la suppression de la notion de capital et que celui-ci est conservé par la SA, le test d’actif net est le seul test de distribution appliqué. En outre, la notion de distributions est interprétée de manière moins large. La procédure formelle pour une réduction de capital subsiste donc.

Qu’est-ce que l’actif net ?

L’actif net représente le montant total de l’actif diminué des provisions, des dettes et, sauf cas exceptionnel, des montants non encore amortis des frais de constitution et d’extension, ainsi que des frais de R&D. Ces montants non encore amortis ne doivent pas être pris en considération car il s’agit essentiellement d’actifs fictifs. Ces frais sont effectivement activés dans le but d’en répartir la charge sur plusieurs exercices.

Ils peuvent cependant être pris en compte de manière exceptionnelle, à condition que la raison soit motivée dans l’exposé des motifs des comptes annuels. Il faut également noter que depuis l’A.R. du 18 décembre 2015, les frais de recherche ne peuvent plus être portés à l’actif. Nous continuons à les mentionner car certaines sociétés disposent encore de frais de recherche activés historiquement.

Comment l’actif net est-il calculé ?

L’actif net doit être calculé de la même manière quel que soit le type de distributions, sans distinction entre dividendes, tantièmes ou autres opérations assimilées (comme le rachat d’actions propres ou le soutien financier, par ex.).

L’actif net doit être calculé sur base des derniers comptes annuels approuvés. Dans la SRL et la SC, l’actif net peut également être calculé sur base d’un état plus récent de l’actif et du passif. Si une société a nommé un commissaire, celui-ci doit contrôler les chiffres de l’état. L’état doit être récent, ce qui exige que les chiffres ne soient pas obsolètes.

Comment fonctionne le test d’actif net ?

L’assemblée générale de la SRL, de la SC ou de la SA reste en principe compétente pour fixer le montant des distributions, généralement sur proposition de l’organe d’administration. L’assemblée générale ne peut toutefois décider de la distribution qu’après exécution du test d’actif net (aussi appelé « test de bilan »). Ce test vérifie que l’actif net de la société reste positif après distribution et qu’il ne tombera pas sous le seuil imposé légalement.

Si l’actif net est négatif ou qu’il risque de le devenir, l’assemblée générale ne peut pas valider la distribution. La société dispose de capitaux propres indisponibles en vertu de la loi (réserve indisponible en cas de rachat d’actions propres, par ex.) ou de ses statuts ? Dans ce cas, l’actif net ne peut pas descendre sous le montant des capitaux propres indisponibles. La loi précise à cet égard que la partie non amortie de la plus-value de réévaluation doit être considérée comme indisponible. Cet ajout empêche qu’un accroissement de valeur purement attendu, non encore confronté à la réalité d’une opération effectivement conforme au marché, soit considéré comme un bénéfice.

Autre distinction entre le test d’actif net pour SA et celui pour SRL et SC : le seuil en dessous duquel l’actif net ne peut pas baisser. S’il s’agit d’une SA, ce seuil est augmenté du capital.

Test de liquidité : de quoi s’agit-il ?

Outre le test d’actif net, la SRL et la SC doivent effectuer un test de liquidité. Lorsque l’assemblée générale décide d’une distribution, l’organe d’administration doit contrôler si, après distribution, la société est toujours en mesure de rembourser ses dettes à mesure qu’elles deviennent exigibles sur une période de minimum 12 mois. L’organe d’administration ne peut procéder à la distribution qu’en cas de test de liquidité positif.

De quoi faut-il tenir compte en cas de test de liquidité ?

Le test de liquidité vise notamment à évaluer les développements futurs, lesquels n’apparaissent pas encore dans le bilan. L’application du test de liquidité s’accompagne en principe systématiquement d’une évaluation concrète et pratique qui tient compte des circonstances et des évolutions. Le test n’empêche donc pas que les distributions soient financées par des dettes ou qu’un dividende attribué soit comptabilisé en compte courant.

Si l’organe d’administration n’a pas connaissance de circonstances particulières susceptibles d’avoir un impact sur la position de liquidité dans un avenir raisonnablement prévisible, il peut se baser sur le bilan et une projection des flux de capitaux pour les 12 à 24 prochains mois. Si des circonstances particulières entrent en ligne de compte, l’organe d’administration doit fournir des efforts supplémentaires (utiliser des tableaux de flux de capitaux détaillés, par ex.).

Quid des résultats du test de liquidité ?

Le CSA oblige l’organe d’administration à consigner dans un rapport les résultats du test de liquidité et les données sur lesquelles il se base. Ce rapport n’est toutefois soumis à aucune formalité et ne doit pas être publié. Aucun statut de nullité du rapport n’est même envisagé.

À titre d’exemple, les SRL et SC ayant fait appel à un commissaire sont tenues de lui soumettre le rapport pour contrôle, bien qu’il ne puisse se substituer à l’organe d’administration. Son rôle se limite à vérifier les données comptables et financières sur base desquelles l’organe d’administration a pris une décision.

Quelles sanctions en cas de distributions illégales ?

Les distributions illégales sont sanctionnées par la responsabilité (solidaire) des administrateurs, conformément aux règles générales de la responsabilité des administrateurs.

Dans un souci de protection des créanciers, le CSA prévoit en outre que lorsqu’une distribution a été effectuée en violation du test net d’actif et/ou de liquidité, la société peut récupérer la distribution illégitime auprès des actionnaires. Dans le cas d’une SA, les distributions irrégulières peuvent, conformément à la directive européenne sur le capital, être réclamées aux actionnaires s’ils étaient au courant de l’irrégularité ou, compte tenu des circonstances, s’ils devaient en avoir connaissance. Dans le cas d’une SRL ou d’une SC, le recouvrement est possible indépendamment du fait que l’actionnaire concerné avait connaissance du caractère illégitime de la distribution.

Une autre disposition spécifique aux SRL et SC prévoit l’établissement d’une responsabilité solidaire des membres de l’organe d’administration pour tous les dommages résultant de distributions pour lesquelles l’organe d’administration savait (ou aurait dû savoir) que la société ne serait pas en mesure de rembourser ses dettes dans un avenir proche, à mesure qu’elles devenaient exigibles. Pour conclure sur la responsabilité : une erreur dans l’exécution du test de liquidité doit pouvoir être démontrée dans le chef d’un (ou plusieurs) administrateur(s). La mise en faillite de la société peu après la distribution ne suffit pas. Si un juge constate qu’un (ou plusieurs) administrateur(s) agi(ssen)t manifestement plus imprudemment que ne le ferait un administrateur placé dans les mêmes circonstances, il peut établir la responsabilité de l’administrateur pour tout dommage résultant d’une distribution illégale.

Les administrateurs risquent une sanction pénale en cas de distributions en contradiction avec le test d’actif net ou de non-exécution du test de liquidité. L’amende varie de 50 à 10.000 euros et la peine d’emprisonnement s’étend d’1 mois à 1 an.