« Les bons mots ne sont pas synonymes de croissance »

L’étude européenne de BDO Global évalue les ambitions et les obstacles liés à la croissance

Affirmer que les entreprises européennes doivent faire face à des défis de plus en plus nombreux aujourd’hui, c’est enfoncer une porte ouverte. Comment garantissent-elles leur croissance et leur position sur le marché dans un contexte politique, économique et social en constante évolution ? BDO Global a interrogé plus de 200 dirigeants d’entreprise en Europe sur leur stratégie pour les 5 prochaines années. Son CEO EMEA Trond-Morten Lindberg commente les résultats de cette enquête.

Trond-Morten Lindberg

“Durf concrete vragen te stellen. Sta klaar om van mening te veranderen wanneer geopolitiek, technologie en talent dat ook doen.”

Trond-Morten Lindberg, CEO EMEA, BDO Global

La Commission européenne prévoit une croissance économique limitée à 1,4% en moyenne pour 2020 et 2021. Deux dirigeants d’entreprise sur trois restent toutefois optimistes quant à leur stratégie d’avenir. Sous-estiment-ils les changements annoncés ou les répercussions que ces changements auront sur leur fonctionnement opérationnel ? « Les bons mots ou les prévisions utopiques ne changeront pas le cours des choses. Il importe surtout de transposer les tendances dans la réalité quotidienne et de les convertir en possibilités & défis concrets. C’est en agissant que l’entreprise poursuit son développement et fait la différence », explique Trond-Morten Lindberg.

Pourquoi cette étude à grande échelle ?

« Le paysage européen est caractérisé par l’incertitude politique et la stagnation du commerce international. On nous rebat les oreilles avec des formules séduisantes qui font le buzz, comme « croissance exponentielle » ou « disruption technologique ». Mais qu’est-ce que cela représente concrètement ? Nous avons posé la question à plus de 200 dirigeants d’entreprise et entrepreneurs actifs dans 7 pays : ‘Comment comptez-vous poursuivre votre croissance et conserver (ou renforcer) votre position sur le marché ?’ Leurs réponses nous ont permis de dégager et de formuler 5 axes de mesures & défis concrets susceptibles d’inspirer nos clients et d’autres entreprises. »

La géopolitique a toujours impacté le climat économique. Confirmation en 2020 ?

« En effet, la politique continue à jouer un rôle majeur. Songez à l’impact de la Révolution française, des deux Guerres mondiales, des crises pétrolières, etc. Je vous invite à lire le Conte de deux cités de Charles Dickens pour mesurer à quel point les défis sociétaux et technologiques auxquels nous sommes confrontés ne sont pas neufs. Pour certaines entreprises, ces défis offrent de réelles perspectives. Pour d’autres, il s’agit d’obstacles de taille. Le souhait de plus en plus marqué des entreprises actuelles de se développer à l’échelle globale renforce l’impact de la géopolitique sur leur stratégie. Sans compter que le rythme des changements est lui aussi en pleine expansion. Aujourd’hui, les entreprises doivent pouvoir s’adapter beaucoup plus rapidement aux changements internationaux et locaux. »

“Wie de leiders van morgen wil binnenhalen, moet ze vandaag al begrijpen.”

Trond-Morten Lindberg, CEO EMEA, BDO Global

Belgique : une vision mûrement réfléchie

Interrogé sur les résultats belges de l’enquête, Trond-Morten Lindberg répond de manière étonnamment positive : « La Belgique possède une économie très mature. Elle est particulièrement avancée sur le plan technologique et enregistre de bons résultats en matière de cybersécurité. Presque toutes les entreprises prennent des initiatives pour améliorer la mobilité ou créer un environnement de travail plus flexible. La technologie (63%) et le talent (56%) constituent les deux principaux enjeux des organisations belges. Elles demeurent également peu perméables aux changements de politique (47%) et adoptent une attitude neutre face à la situation politico-économique future. Selon toute vraisemblance, la Belgique est prête à affronter l’avenir avec une confiance en soi suffisante et une vision réfléchie. »

L’enquête révèle 5 enjeux majeurs. Lequel est prioritaire selon vous ?

« Ils sont indissociables mais le principal réside, à mes yeux, dans l’interaction entre technologie et talent. Comment travailleront les dirigeants de demain ? J’entends souvent dire que les jeunes générations « sont tellement différentes ». Je vois également la différence entre les jeunes adultes d’aujourd’hui et celui que j’étais à mes 20 ans. Il est essentiel de bien les comprendre car sans jeunes talents, pas d’évaluation correcte des risques futurs. Rester à la pointe de la technologie tout en garantissant aux clients et sur le marché un capital humain porteur de plus-value à venir : tel est le principal défi qui attend les organisations (parmi lesquelles BDO). Si vous voulez attirer les dirigeants de demain, comprenez-les dès aujourd’hui. »

L’impact croissant de la réglementation européenne sur l’économie : bonne nouvelle ou pas ?

« Toutes les législations des États membres convergent vers celles de l’UE. Même ici en Norvège (qui ne fait pas partie de l’UE), nous ressentons cet effet. Au niveau international, en revanche, les législations se différencient davantage. À terme, la convergence européenne est très bénéfique, tant pour l’UE en tant qu’institution que pour le marché intérieur européen. Celui qui peut agir d’une seule voix a plus d’impact sur les discussions, comme à l’OMC, par exemple. Nos clients adoptent par ailleurs de plus en plus souvent un réflexe « international ». Dans ces conditions, que les règles du jeu soient les mêmes partout se révèle très pratique et moins complexe quand il faut développer son business. »

Quels sont les 5 enjeux que les entreprises doivent relever d’ici 2025 ?

Les dirigeants d’entreprise européens sont fort sollicités. Comment peuvent-ils consolider ou renforcer leur position sur le marché ?

« Posez les bonnes questions aux bonnes personnes (voir ci-dessous). Même si ce n’est pas toujours facile. Osez aller plus loin, associez l’impartialité des jeunes générations aux fonctions de cadres supérieurs (C-level). Ce choix permet de mieux appréhender les défis & opportunités propres à votre entreprise. À l’heure actuelle, les dirigeants d’entreprise sollicitent encore trop peu l’input externe lors de l’élaboration de leur stratégie. Celui qui sort de sa zone de confort et ose confronter sa propre vision à des interrogations mûrement réfléchies fera la différence durablement, au sens large du terme. »

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Quel est le résultat de l’enquête qui vous a le plus marqué ?

« Il y en a plusieurs, en réalité. Je reste avant tout étonné que les entreprises ne cherchent pas à mieux comprendre « la guerre des talents ». Pourquoi le talent est-il devenu si rare ? S’agit-il d’un manque de compétences spécifiques ? Le groupe cible est-il moins flexible ? La différence se situe-t-elle dans la motivation au travail des jeunes ? Malgré toutes ces questions, l’entreprise doit convaincre, offrir un avantage concurrentiel, faire en sorte que les talents émergents la choisissent plutôt qu’une autre. »

Mais encore…

J’observe que de plus en plus d’entreprises verdissent leurs activités. La durabilité ne se limite pas à l’environnement. Les 17 objectifs de développement durable des Nations unies dressent également la liste d’indicateurs tels que l’éducation, l’égalité, la paix et la pauvreté. De nombreuses entreprises doivent encore se développer en la matière. Il n’en reste pas moins vrai que compter sur un esprit d’entreprise durable est primordial. Les jeunes générations attendent clairement des entreprises qu’elles réinvestissent leurs bénéficies (liés à l’efficacité et à la technologie) dans une société plus durable. Enfin, je trouve positif que les entreprises regardent de plus en plus au-delà des frontières nationales. BDO aussi doit cultiver en permanence cette ambition mondiale. Même si l’accent est souvent mis sur le marché intérieur, nous avons le devoir d’orienter nos clients vers de nouvelles opportunités à l’étranger. Notre réseau mondial leur permet de s’appuyer sur une expérience et un savoir-faire qui optimisent chaque étape de la chaîne d’affaires. »

“Met de survey hopen we al onze klanten te inspireren. Ervaringen en visies te delen. Te motiveren vanuit een ander perspectief te kijken.”

Trond-Morten Lindberg, CEO EMEA, BDO Global

L’enquête sera-t-elle renouvelée ?

« L’objectif est de répéter l’enquête chaque année, de préférence en y intégrant davantage de pays européens. Nous pourrions ainsi créer après 2-3 ans un baromètre qui prendra le pouls du climat entrepreneurial. Nous nous fixons un délai de 5 ans pour y parvenir. Adopter une vision à long terme, c’est important mais pas suffisant. Raison pour laquelle nous désirons également définir des objectifs intermédiaires réalistes et mettre en place des actions qui seront évaluées régulièrement. Dans ce domaine, faire des affaires s’apparente un peu à faire du sport. Ici en Norvège, tout le monde veut devenir le meilleur skieur du monde. Mais si vous n’avez qu’un seul rêve, vos efforts risquent fort d’être voués à l’échec. Pour que votre ambition se concrétise, il faut comprendre et évaluer correctement les efforts à fournir chaque jour. »