Tenants et aboutissants de la CSRD

Déclaration des informations non financières bientôt obligatoire pour toute entreprise

Mieke Loncke, Marketing & Communication Director BDO Belgique

Les chiffres de notre récent sondage ne mentent pas : la majorité des entreprises (+70%) considèrent la CSRD comme un moteur du changement. Il ne faut en effet pas sous-estimer l’impact, les risques et les opportunités qu’entraîne cette directive européenne sur la transparence des informations non financières. Même si les PME non cotées en bourse ne sont pas tenues de faire de reporting avant 2027, l’effet de ruissellement – la pression des investisseurs, des banques, des gouvernements, des fournisseurs, des clients et d’autres parties prenantes – aura un impact plus tôt. Puisque la CSRD change la donne pour chaque entreprise, il nous semble important d’informer proactivement nos clients et notre marché sur le « pourquoi », « pour qui », « quand » et « quoi » de la nouvelle directive.

Juin 2022 : le Conseil européen et le Parlement européen parviennent à un accord politique (provisoire) sur la « Corporate Sustainability Reporting Directive » (CSRD). Dans le cadre du Green Deal européen, l’Europe entend accroître la transparence des informations non financières, et plus particulièrement celles sur la durabilité des entreprises. La nouvelle directive est une mise à jour de la directive actuelle sur le reporting non financier (« Non-Financial Reporting Directive » ou NFRD). La NFRD s’applique aujourd’hui à quelque 12.000 organisations actives au sein de l’UE. La nouvelle CSRD s’applique quant à elle à un nombre beaucoup plus important d’entreprises – environ 49.000 selon une estimation – actives dans tous les secteurs. En outre, ces informations devront être consignées dans le rapport de gestion sur la base de normes homogènes. Une « assurance » obligatoire (limitée) sera également d’application. Cela signifie qu’il faudra assurer un reporting précis, complet et cohérent.

« La transparence en matière de performance ESG fournit aux investisseurs, banques, pouvoirs publics, clients et autres parties prenantes des informations précises leur permettant de fonder leurs décisions d’investissement ou de collaboration. Ces informations ESG sont en quelque sorte le chaînon manquant qui complète l’histoire. »

Pierre Poncelet, Sustainability Services Lead

Pourquoi établir un reporting ?

Bien que la CSRD ne semble être qu’une obligation d’information, elle vise à fournir aux entreprises les bases nécessaires pour améliorer leur durabilité et renforcer leur résilience à long terme. La définition précise des objectifs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) et le reporting des résultats atteints deviennent ainsi un complément essentiel à la performance financière. La CSRD fournit un cadre pour harmoniser ces rapports non financiers afin que les informations soient pertinentes, comparables, fiables, facilement accessibles et utilisables. « Un reporting transparent offre aux entreprises un point de repère pour mesurer et améliorer leurs performances et ambitions en matière de durabilité de manière efficace et cohérente », explique Pierre Poncelet, Sustainability Services Lead. Il supervise, avec Tessy Martens, le « Sustainability Center of Excellence » de BDO Belgique     . « Et il fournit aux investisseurs, banques, régulateurs, clients, fournisseurs et autres parties prenantes des informations complémentaires pour fonder leurs décisions. Enfin, il limite également le risque de greenwashing. »

Roularta Media Group – « Neutralité CO2 en 2040 »

Roularta Media Group pilote la stratégie de durabilité sur quatre ODD prioritaires et entend ainsi créer de la valeur ajoutée pour toutes ses parties prenantes et la société. « En tant que groupe de médias, nous misons fortement sur le « brainprint » : avec un contenu fiable et indépendant, nous encourageons la prise de conscience et un comportement plus durable. Investir dans une croissance économique durable, dans nos collaborateurs et leur bien-être est un objectif important. Nous nous engageons à améliorer en permanence la consommation d’énergie, tant dans les bureaux qu’au niveau de la production. Dans le cadre de nos achats et de notre collaboration avec les fournisseurs, nous faisons un choix explicite concernant l’utilisation efficace des matières premières et la réduction des déchets. Nous visons donc une réduction significative de notre empreinte écologique, et plus particulièrement la neutralité CO2 en 2040. » – Ingeborg Locy, Sustainability Officer Roularta Media Group

Qui doit faire rapport et quand ?

La mise en œuvre de la CSRD se déroule en trois phases. La taille de votre entreprise détermine l’année d’application de la directive. Le graphique ci-dessous précise qui doit être en règle et quand.

Certaines filiales sont exemptées lorsque les informations non financières figurent dans le rapport de durabilité de la société mère et sont conformes aux normes de l’UE ou à des normes équivalentes.

Les entreprises non européennes sont tenues de présenter un rapport de durabilité pour toutes les sociétés ayant un chiffre d’affaires net de 150 millions d’euros dans l’UE et ayant au moins une filiale ou une succursale dans l’UE.

Les PME non cotées en bourse peuvent appliquer des normes adaptées et proportionnées sur une base volontaire. Une dérogation sera possible pour les PME pendant une période transitoire. Cela signifie qu’elles seront dispensées d’appliquer la directive jusqu’en 2028.

BDO Belgique – « Montrer le bon exemple »

BDO se félicite de l’adoption d’une directive unique européenne et veut donner le bon exemple en suivant la directive plus rapidement qu’imposé. « Nous sommes convaincus que nous devons être transparents vis-à-vis de toutes les parties prenantes sur le cap que nous prenons, nos démarches et les progrès que nous réalisons sur nos thèmes matériels. Fin 2022, nous publierons déjà notre troisième rapport ESG. » – Aubry De Pauw, Internal Sustainability Lead BDO Belgique

Que rapporter ?

Aujourd’hui, de nombreuses entreprises rapportent déjà des données non financières et de durabilité sur la base d’un « framework » volontaire ou standard. Leen Lefevere, Legal Sustainability Advisor chez BDO Belgique : « Elles se basent par exemple sur la Global Reporting Initiative (GRI), le Sustainability Accounting Standards Board (SASB) ou l’International Business Council (WEF IBC) du Forum économique mondial ou l’une des autres normes/frameworks 400+. La CSRD introduit une nouvelle norme européenne homogène, ladite European Sustainability Reporting Standards (ESRS). »

Sans trop anticiper les choses, les informations que vous devez divulguer concernent les thèmes ESG. Ces sujets seront affinés ultérieurement en fonction des secteurs, et des sujets spécifiques à chaque entreprise seront traités. « Pour des sujets ESG (matériels) pertinents, les entreprises devront faire rapport sur leur stratégie et leur ambition, la manière dont elles les mettent en œuvre et les indicateurs de performance correspondants. Des données tant qualitatives que quantitatives seront donc demandées, tant du passé que de manière prospective. »

Par où commencer ?

Près de 90% des participants à notre sondage lors de notre webinaire CSRD de juin dernier expliquent qu’ils aborderont (davantage) les défis en matière de transition et de reporting de durabilité, tant en interne qu’avec d’autres parties prenantes. « Cela signifie que la prise de conscience grandit », affirme Pierre Poncelet.

Le reporting n’est pas la première étape du programme de transition durable pour les entreprises. (Lisez également l’article « Apprendre les uns des autres, les uns pour les autres, partout dans le monde ! »). Celui-ci commence par la définition de l’ambition et de la stratégie tout en tenant compte des principales parties prenantes. En outre, le reporting sur les informations de durabilité pose de nouveaux défis à de nombreuses entreprises, car leurs processus internes et systèmes d’information ne sont souvent pas encore en mesure de recueillir et traiter ce type d’informations. « Mon conseil ? N’attendez pas ! Et ne sous-estimez pas la préparation. Pas plus que l’effet potentiel de la CSRD sur votre business model, votre stratégie, votre gestion des risques, votre structure de coûts, etc. »

Sachez également que les entreprises qui ne doivent pas encore faire rapport subiront la pression des parties prenantes pour entamer ce processus plus tôt. « C’est ce que nous appelons l’effet de ruissellement (lisez aussi l’article « La bonne gouvernance n’est plus une option »). Être proactif et intégrer la durabilité dans votre business model renforce votre résilience face au changement, ouvre de nouvelles opportunités commerciales, génère de meilleurs résultats et augmente in fine la valeur de votre entreprise. Intégrer la durabilité dans le business model est ce qu’il y a de plus intelligent à faire. »

3d investors – « Les gagnants de demain »

En tant qu’investisseur familial, 3d investors accorde une grande importance à la transition durable depuis plus de 20 ans. « Nous avons la conviction que la création de valeur durable commence par prendre soin des collaborateurs, des clients et du contexte social dans lequel nous entreprenons. Une grande capacité d’adaptation au contexte social et réglementaire en mutation est essentielle. Les entreprises qui opèrent dans cette optique seront également les gagnantes de demain. Rien n’est plus stable que le changement. Nous voulons soutenir au maximum notre portefeuille d’entreprises afin de professionnaliser davantage leur approche ESG et d’affiner notre politique d’investissement. » – Hans Swinnen, Partner 3d investors